
De manière plus significative ces dernières années, l’exercice d’un mandat local est devenu une « prise de risques ». Entre responsabilités toujours plus lourdes, contraintes administratives, pression sociale et conciliation avec une vie professionnelle et familiale, la fonction d’élu local s’apparente trop souvent à un mission « quasi-sacrificielle« , plus qu’à une fonction valorisée et sécurisée. Le constat est sans appel : depuis 2020, 2 400 maires ont démissionné et 57 000 sièges de conseillers municipaux sont restés vacants comme le rappelait le 18 novembre 2024 dans les colonnes du Figaro Catherine Vautrin, alors Ministre chargée du partenariat avec les collectivités locales.
Comment en est-on arrivé là ? Et surtout, que peut-on espérer de la réforme annoncée ?
1. Un statut enfin renforcé ?
L’Histoire enseigne et renseigne.
Alors qu’au lendemain de la Révolution, la loi du 21 mai 1790 institue la non-indemnisation des fonctions municipales, celle du 5 avril 1884 admet du bout des lèvres d’indemniser les élus locaux au titre de leurs « frais de représentation ».
Bien que le statut de l’élu local ait favorablement évolué dans l’Histoire, il a longtemps été considéré comme un engagement quasi ou purement bénévole et reste encore et malgré tout largement sous-estimé. La réforme en cours vise à le rendre plus attractif et plus sécure, avec plusieurs mesures fortes :
- Une indemnité d’engagement citoyen pour tous les conseillers municipaux, visant à reconnaître le travail accompli, même dans les plus petites communes. Même modeste (40€) cette indemnité est symbolique d’une prise en considération du statut de l’élu qu’il soit de la majorité ou de l’opposition
- Une revalorisation de facto au maximum légal des indemnités des maires et adjoints, dans un cadre plus transparent, évitant les arbitrages parfois source de tensions au sein des éxecutifs locaux
- Un accès facilité aux formations, avec une formation de deux jours obligatoires pour chaque élu en début de mandat et une augmentation des budgets dédiés
Pourquoi est-ce crucial ? Parce qu’un élu bien formé est un élu efficace. Parce qu’une reconnaissance, même symbolique, permet de réaffirmer la légitimité et l’importance de l’engagement politique local.
2. Concilier mandat, vie professionnelle et personnelle : un vœu pieux ?
Les élus locaux sont souvent contraints de concilier leurs engagements politiques locaux avec leur vie professionnelle et personnelle au prix d’une surcharge mentale et physique. Aujourd’hui, les maires et adjoints qui conservent un emploi salarié peinent à s’absenter pour exercer pleinement leur fonction.
La réforme propose plusieurs avancées :
✅ Un congé électoral porté à 20 jours pour permettre aux candidats de préparer leur campagne et de se former
✅ Un élargissement des autorisations d’absence pour les maires salariés, y compris pour des réunions stratégiques et des situations d’urgence
✅ Une meilleure reconnaissance du mandat dans la carrière professionnelle, avec des validations d’acquis et un accompagnement spécifique à la réinsertion
Ces mesures suffiront-elles ? Car, au-delà du cadre légal, c’est toute une culture d’entreprise qui doit évoluer, pour ne plus considérer l’engagement politique comme une « prise de liberté » mais comme une contribution essentielle à la bonne marche de la Société toute entière. Le travail d’acculturation des entreprises sur ce sujet doit être plus que jamais réalisé pour aboutir à une véritable considération de la fonction d’élu local.
3. Face aux menaces et agressions, protéger enfin les élus
C’est une réalité trop souvent passée sous silence : l’engagement politique local expose de plus en plus à la violence d’une société de plus en plus en tension. Insultes, intimidations, agressions physiques, jusqu’au prix même de leur vies parfois… des centaines d’élus ont fait face à des situations d’extrêmes tensions ces dernières années et les chiffres sur le sujet sont alarmants.
Pour répondre à cette menace grandissante, la réforme prévoit :
🔹 Une extension de la protection fonctionnelle à tous les conseillers municipaux
🔹 Une prise en charge systématique des dommages en cas d’accident dans l’exercice du mandat
🔹 Une révision du délit de prise illégale d’intérêt, pour éviter que des élus de bonne foi ne soient injustement inquiétés
La démocratie locale ne pourra se maintenir que si ceux qui la font vivre sont protégés.
4. Reconversion des élus : un après-mandat à sécuriser
L’après-mandat est souvent synonyme pour les élus de « grand vide », voire de précarité dans certaines situations. Comment valoriser des années d’engagement au service de l’intérêt général lorsqu’on retourne sur le marché du travail ?
Quelques avancées notables sont prévues :
✔️ Un bilan de compétences systématique pour les maires et adjoints en fin de mandat.
✔️ Une reconnaissance des acquis du mandat, via un dispositif de VAE (Validation des Acquis de l’Expérience).
✔️ Un accompagnement à la reconversion par France Travail, pour aider les élus à retrouver une activité professionnelle.
Ces mesures permettront-elles enfin de briser le tabou du retour à la vie civile ? Rien n’est moins sûr, tant l’expérience politique reste encore peu valorisée dans de nombreux secteurs privés.
Des avancées… mais est-ce suffisant ?
Si cette réforme du statut de l’élu représente une avancée significative, elle laisse encore en suspens plusieurs questions majeures. Le coût de ces mesures dans un contexte budgétaire tendu risque d’être un frein à leur mise en œuvre. De plus, la transformation culturelle nécessaire – dans le monde professionnel comme dans la société – ne se décrète pas par la loi.
Bonjour
Ces sont des pistes précises que je considère comme pré-requises pour lutter contre cette crise. Il est important cependant d’insister sur un premier point, le congé électoral ou l’autorisation d’absence sont souvent non payés par l’employeur car la loi lui laisse ce choix(exemple à la SNCF qui a choisi le congé sans solde ) . Il faut imposer ce paiement par l’employeur car une journée non payée par l’employeur n’est pas complétée par l’indemnité d’élu surtout d’une petite commune. C’est pour cela que je remplis mes missions d’élu après mon travail et sur mes repos.
Enfin la protection fonctionnelle ne sert à rien si la justice n’est pas associée, victime d’outrage, injure et diffamation cela restera impuni car notre avocat a utilisé un mauvais article pour le qualifier et le procureur n’a pas requalifié les faits… pas de suite et un profond malaise pour l’élu que je suis….
Bonjour,
Merci pour votre témoignage, qui met parfaitement en lumière à la fois l’engagement plein et entier qui et le vôtre et les enjeux auxquels vous avez eu à faire face comme malheureusement de trop nombreux autres élus.
Sur la question du congé électoral, votre retour illustre bien la difficulté de concilier vie professionnelle et engagement public, en particulier pour les élus comme vous de petites communes. Le fait que l’employeur puisse choisir de ne pas rémunérer ces absences crée une inégalité qui mérite d’être posée dans le débat. Nombre d’élus exercent leurs missions en parallèle de leur activité professionnelle, souvent au prix de sacrifices personnels importants. La création envisagée du label « Employeur partenaire de la démocratie locale » dans le texte adopté au Sénat pourrait inciter certaines entreprises à valoriser l’engagement local de leurs collaborateurs. Sujet à suivre!
Concernant la protection fonctionnelle, votre expérience montre qu’elle ne peut être pleinement efficace sans une réelle prise en compte par la justice. L’impunité face aux outrages, injures ou diffamations fragilise l’exercice du mandat et alimente un sentiment d’abandon.
Merci encore pour votre engagement et votre partage d’expérience!